Maladie rare, maladie orpheline
Maladie rare : la consultation génétiquePar Fanny Bernardon le 21/10/2020
L’hémochromatose est une surcharge en fer de l’organisme. Normalement, le corps n’absorbe que la quantité de fer dont il a besoin (environ 1mg par jour) et élimine le reste. Cependant, il arrive parfois que notre corps stocke le fer dans divers organes, au-delà des quantités nécessaires à leur bon fonctionnement soit du fait d’une hyperabsorption digestive (hémochromatose génétique) soit du fait de transfusions répétées (anémies chroniques). A partir de 5 mg par jour, le fer devient un toxique qui s’accumule dans tous les organes. La quantité totale de fer présent dans l’organisme peut atteindre les 50mg par jour. Les plus touchés sont d’abord la peau (risque de mélanodermie ou peau foncée au bronzage durable), le foie (risque de cirrhose), le pancréas (risque de diabète), le cœur (risque de cardiopathie), les cartilages interarticulaires ou les os (risque de chondrocalcinose ou ostéoporose) et l’ensembles des glandes avec des risques d’insuffisance endocrinienne dont l’impuissance.
La surcharge hémochromatosique est majoritairement d’origine génétique (mutations du gène C282Y ou composite avec les gènes C282Y et H63D) ou rarement secondaire à une maladie hématologique nécessitant des transfusions itératives. Pour que la maladie se manifeste chez une personne, il faut que ses deux parents soient porteurs d’au moins un gène muté (homozygotes C282Y+/+ ou hétérozygotes C282Y+/-). L’histoire familiale potentielle est donc à renseigner.
Un deuxième avis est tout indiqué dans le cadre de l’hémochromatose dans la mesure où le traitement de cette maladie repose essentiellement sur un dépistage juste, si possible précoce. Il faut éviter toute erreur de diagnostic (les hyperferritinémies sont fréquentes dans la population générale, surtout liées à la consommation abusive d’alcool, au surpoids ou syndrome métabolique, aux maladies inflammatoires) afin de ne pas laisser la maladie s’installer et endommager les organes. Par ailleurs, en marge du traitement, le patient doit adopter une hygiène de vie stricte et un suivi régulier. Dans ce contexte, un deuxième avis peut s’avérer utile pour éviter que la maladie n’entraîne des complications. Dans le cas où la maladie est dépistée tardivement, un deuxième avis est d’autant plus utile que des complications peuvent s’avérer graves et engager le pronostic vital. L’avis du médecin expert vous permettra alors de participer aux choix thérapeutiques de manière éclairée, en fonction de la gravité de la situation et du type d’organes touchés. Un conseil génétique sur le dépistage familial est nécessaire en cas d’hémochromatose génétique.
Mais aussi toutes les questions spécifiques que vous vous posez.
Le spécialiste de l’hémochromatose est l’hépato-gastro-entérologue. Il est en charge de diagnostiquer et de traiter l’hémochromatose. Il faudra tout de même s’assurer de sa spécialisation dans les maladies hépatiques et notamment dans l’hémochromatose. Les hématologues ou internistes peuvent être aussi sollicités pour l’exloration d’une hyperferritinémie.
L’hémochromatose est longtemps asymptomatique: elle ne se manifeste par aucun symptôme spécifique. Les personnes atteintes par cette maladie peuvent stocker du fer pendant des années avant de s’en apercevoir. Quand ils apparaissent, les premiers signes qui doivent alerter le patient sont une fatigue extrême, une mélanodermie, des douleurs articulaires, un essoufflement à l’effort, mais aussi une arythmie cardiaque (sensation désagréable de battement irrégulier du cœur). L’hémochromatose est le plus souvent évoquée aujourd’hui devant une hyperferritinémie, des anomalies biologiques hépatiques ou un diabète de type 2 (diabète bronzé).
Méconnue, l’hémochromatose n’est cependant pas rare; on estime à près de 80 000 le nombre de patients qui s’ignorent.
Le diagnostic doit être évoqué après interrogatoire du médecin devant la présence de symptômes compatibles et d’antécédent familiaux d’hémochromatose ou de transfusions sanguine répétées. Les examens sanguins de première intention à réaliser à la recherche d’une surcharge en fer sont : le coefficient de saturation de la transferrine, la ferritinémie et un bilan hépatique (ALAT, ASAT, bilirubinémie, gamma-GT). Si ces examens montrent une surcharge importante en fer de l’organisme(coefficient de saturation de la transferrine > 55%, hyperferritinémie), seront alors réalisés: 1. un bilan génétique par prise de sang à la recherche des mutations génétiques responsables de l‘hémochromatose génétique (surtout du gène HFE1 ou C282Y mais il existe d’autres mutations plus rares qui ne sont pas systématiquement recherchées de l’hepcidine, de la ferroportine…); 2. une quantification de la concentration hépatique en fer (et de la stéatose) par une IRM hépatique.
D’autres examens pourront par la suite être prescris pour évaluer l’atteinte hépatique de la maladie (fibrose hépatique) :
1. Évaluer les conséquences systémiques de la surcharge (fibrose hépatique, intolérance aux sucres, insuffisance endocrinienne, atteinte ostéo-articulaire…) :
2. Éliminer les autres causes de maladie hépatique:
La “pénétrance” de la maladie (c’est-à-dire la sévérité potentielle des manifestations) est très variable selon les individus malgré les mêmes mutations. Lorsqu’elle est traitée de façon précoce, l’hémochromatose n’est pas vraiment préoccupante et la surcharge est rapidement contrôlée (chélation efficace). Si elle n’est pas soignée ou diagnostiquée trop tard (c’est le cas chez 45 à 50 % des personnes atteintes), le patient peut développer de nombreuses complications telles que la cirrhose, le diabète, des troubles cardiaques, des douleurs articulaires (chondrocalcinose mais aussi ostéoporose, ou encore des troubles hormonaux (impuissance) qui dans les cas les plus sévères peuvent être mortelles.
Le choix du traitement dépend du type d’hémochromatose (génétique ou secondaire).
Dépistée à temps, l’hémochromatose se traite bien. L’objectif est de diminuer la quantité de fer présent en excès dans l’organisme. Le traitement consiste à pratiquer des saignées, appelées aussi phlébotomies. Elles aboutissent à l’élimination d’une certaine quantité de fer contenue dans les globules rouges. Ces saignées constituent un prélèvement d’environ 400 ml une à deux fois par semaines. Le traitement d’attaque avec des saignées hebdomadaires est de durée variable, dépendant de la surcharge initiale, des complications potentielles; il peut durer 1 an, jusqu’à ce que la biologie se normalise (ferritinémie entre 50 et 100 ng/mL) et un traitement d’entretien souvent à vie est nécessaire par des saignées trimestrielles puis semestrielles voire annuelles.
Pour les patients qui ne peuvent supporter les saignées (à cause de problèmes de tolérance cardiaque ou surtout d’une anémie chronique responsable de transfusions sanguines à l’origine de l’hémochromatose secondaire), le médecin ne peut prescrire que des chélateurs de fer (desferrioxamine), moins efficaces. Ce sont des médicaments qui fixent le fer en surcharge et l’éliminent par les urines.
Enfin, dans les cas avancés, il convient de soigner les complications imputables à l’hémochromatose, comme le diabète, l'arthropathie, l'insuffisance hépatique et l'insuffisance cardiaque.
En parallèle du traitement, il est recommandé d’adopter un mode de vie adapté, en privilégiant une alimentation saine et équilibrée, en arrêtant le tabac et l’alcool, et en pratiquant une activité physique régulière.
Le dépistage génétique familial doit être proposé dans la fratrie, chez les ascendants et descendants qui seront au moins hétérozygotes, situation clinique où la surcharge modérée en fer est sans conséquence et où on recommande aux sujets de devenir donneurs réguliers de sang, sans obligation médicale.
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